dimanche 3 avril 2016

Silly walks…







"Enfant, tu ne tenais pas en place. Tu battais la campagne. Tu te voulais au-dehors, loin de la maison, loin des tiens. Tu adressais des clins d'œil espiègles à l'horizon et tu donnais au ciel les rondeurs de tes nostalgies. De l'enfance, tu as sauté à pieds-joints dans la philosophie, et les années ont accru ton horreur de la sédentarité.. Depuis, tes pensées courent par monts et par vaux. Le besoin d'errer hante les notions. Les quatre murs te pèsent. Tu ne respires — philosophe des routes et des rues — qu'aux carrefours. dehors, toujours dehors — il n'y a pas de lit dans l'univers !
L'ennui abstrait révélant qu'être vivant c'est être vide, tu épies dans les venelles — tel un assassin des instants — l'oubli de la pensée. Tu trouverais oiseux de dévider l'écheveau des pensées pour en tirer un fil que tu nouerais au chapelet des frêles espérances. La charogne de la vie pourrit en arrière. Et celui qui lit dans tes pas y découvre un meurtrier."

Cioran, Bréviaire des vaincus
traduction d'Alain Paruit




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